Un mois que j'étais rentrée de mission de façon prématurée..Tout ça, ça n'était pas du tout prévu.. J'étais censée rentrer à New York qu'en Février... C'était sans compter la zone de guerre où nous étions... Je n'avais jamais vu un tel chantier et autant de blessés en peu de temps. C'était vraiment un sacré carnage et pour la première fois depuis le début de ma carrière, je n'étais pas vraiment sereine. J'en avais vu des choses affreuses, j'avais souvent eu les fesses serrées à dormir que d'un oeil au cas où il fallait évacuer en urgences mais là bas, c'était totalement inédit pour moi. Alors que l'on m'avait missionné pour aller récupérer un blessé grave, j'avais été projeté sans que je comprenne vraiment, soufflée par la détonation qui venait d'avoir lieu.. Une bombe venait d'éclater à dix mètres de moi. Blessée gravement, j'avais été héliportée dans l'hôpital le plus proche avant d'être rapatriée à New York où j'ai subi tout un tas d'examens pour savoir si tout allait bien et surtout pour essayer de sauver ma jambe droite plutôt très amochée.  
Les médecins étaient pessimistes quant à la poursuite de mon métier en opération extérieure... Je ne m'avoues pourtant pas vaincue pour autant, je veux m'en sortir pour retourner au front.. Il est hors de question que je continue ma vie auprès des civils. Je les trouvais futiles et sans intérêt pour la plupart à pleurer pour un rien...  
Depuis deux jours, j'avais ENFIN quitté l'hôpital à la condition de continuer les soins au centre pendant quelques semaines.. Après les vacances de Noël, je repasserai les contrôles pour mon aptitude.. J'avais bon espoir bien que je me voyais diminuée.. Ma jambe n'était plus aussi belle qu'avant.. Cicatrices de longs en large et en travers.. L'idée de me regarder devant un miroir me dégoutait.. Pendant cet accident, j'avais perdu deux amis qui m'étaient chers et sans doute mon boulot.. La psychologue avait mis dans son rapport qu'elle me trouvait stable, je m'étais donc vantée intérieurement de bien jouer le jeu.. Finalement ce n'est pas militaire mais actrice que j'aurais du faire.  

Profitant du beau temps pour un mois de Novembre, je m'étais baladée dans Manhattan, et dans Central Park ,c'était sans aucun doute le meilleur endroit dans cette ville. L'endroit était resté assez sauvage et de ne pas avoir comme seule vue, du béton à perte de vue, cela faisait tout de même du bien. Après avoir marché quelques temps, je sentais que ma jambe se dérobait un peu. Munie de ma béquille, je finissais ma course sur le trottoir où se trouvait les hôtels et magasins. Alors que je m'apprêtais à haler un taxi pour retourner chez moi dans le Queens, je vois une troupe de gars et une fille sortir d'un hôtel. Il ne me faut pas plus de quelques secondes pour reconnaître l'homme qui se trouve à seulement 10 mètres de moi. Je suis si surprise de le croiser là, que fait-il dans cet hôtel? Je me souviens rapidement qu'il est à la télévision et si mes souvenirs sont bons, il devait tenter de trouver un costume dans l'épisode prochain qui sera diffusé ce soir. Nous nous regardons un long moment avant que l'un ou l'autre ne daigne sourire. Je ne sais pas comment réagir.. Dix ans que nous n'avons pas eu de contact quel qu'il soit et je suis un peu gênée. Et dire que depuis lui, je n'ai eu personne dans ma vie. Dire que dans moins de quinze jours il allait se marier, je l'enviais presque d'avoir trouvé quelqu'un. Chamboulée par sa présence, je tente d'avancer en sa direction alors qu'il fait de même. Je ne pense même plus au groupe qui l'accompagne actuellement.

Hey...

Figée au sol, le regard fixé sur celui qui aurait pu devenir mon époux, je ne peux me résigner à monter dans le taxi. Voir Connor autrement qu'à la télévision me fait bizarre. Dix ans séparent notre dernier face à face et il ne s'est jamais bien terminé en y repensant. Pourtant en le voyant, je ne pense qu'aux bons moments que nous avons partagés.. Comme la fois où j'étais en train de m'habiller et qu'il m'a tiré dessus avec un pistolet à eau. Je lui ai couru après dans cet appartement en petite culotte pour qu'il arrête. Je ne sais pas pourquoi j'ai cette image dans ma tête qui me revient, sans doute parce qu'il fait partie de mes souvenirs préférés, sans aucun doute. Je crois que j'ai rarement été heureuse depuis Connor.. il n'y a plus que l'adrénaline au front qui me fait sentir vivante, le reste n'a que peu d'importance.
J'ai l'impression que la circulation s'est arrêtée et que les gens ne sont plus sur le trottoir à tenter de m'éviter tant je suis en plein milieu.
Je reviens à moi quand le taxi s'arrête et finalement je lui dis que c'est bon et j'avance vers Connor qui fait de même. Je ris dans ma tête en me disant que nous sommes encore connectés tous les deux malgré toutes les années.
Une fois près l'un de l'autre, je ne peux m'empêcher d'observer que le temps n'a pas eu d'effet sur mon ex petit ami. Il est toujours aussi beau et charismatique. Je sais que les choses se sont mal terminées entre nous mais bizarrement dix ans ont suffit pour que je ne lui en veuille plus pour tout ça.. je regrette juste que les choses en soient arrivées là. Parfois je me dis que peut être serions-nous encore ensemble? Avec une famille qui sait ! Souvent quand je suis en opération extérieure pour m'aider à tenir en cas de coup dur, je ferme les yeux et imagine en quelques secondes ce que ma vie aurait pu être à ses côtés. J'ai l'impression de retrouver le Connor d'antan, la chemise qu'il porte? Elle est aussi vieille que notre rupture, c'est même moi qui lui ai offert si ma mémoire est bonne. Son odeur m'enivre et me replonge quelques années auparavant. C'est étrange la sensation qui s'empare de mon être mais j'essaie de la contrôler.

Oui, je suis rentrée il y a quelques semaines, je sors juste de l'hôpital, une manoeuvre qui a mal tourné, et me voilà avec la jambe amochée.. fallait bien que ça arrive.

J'essayais de dédramatiser devant lui, de ne pas jouer la carte de la vulnérabilité alors qu'à l'intérieur j'étais anéantie, je voulais retrouver mes coéquipiers, mes frères d'arme et aller là bas.. La vie ici dans la grosse pomme c'était loin d'être celle que j'avais choisie. Je regarde autour de nous si nous sommes filmés après tout je n'ai jamais manqué une miette de cette émission stupide. Lorsque quelqu'un s'approche en s'excusant pour récupérer ce que je pense être un micro, je me sens un peu débile. J'espère que les médias ne sont pas là, je ne veux pas apparaître à la télévision, pas avec le métier que je fais. Lorsque la dame part, je reprends la conversation.

Je t'en prie, t'inquiète. et toi alors pourquoi es-tu là au lieu d'être en Afrique? Le froid glacial de New York te manquait trop?

Je souris car je savais que la chaleur était ce qu'il préférait, du moins à l'époque. Il se justifie quant au fait de participer à l'émission et je penche ma tête.

Oui Crystobal, je connais Abuela et Haley par coeur, pourquoi ça ne m'étonne pas? J'ai mangé avec Haley l'autre soir, elle m'a expliqué !

Je plisse le nez, mimique que j'ai toujours faite avant de continuer.

J'ai été hospitalisé alors j'ai eu le temps de regarder la quotidienne sur les six couples choisis. J'étais très étonnée de t'y voir d'ailleurs.. C'est pas ton style mais si tu dis que c'est Abuela, je comprends que le choix ne vient pas de toi.

Je le regarde alors et essaie de me stabiliser avec ma béquille.

Tu as l'air d'avoir trouvé ta promise dans l'émission, tant mieux, Lean a l'air super !

Je ne pouvais pas dire que je la trouvais trop superficielle pour le médecin. Pour moi, ils n'allaient clairement pas ensemble, et j'avais l'impression qu'elle lui cachait quelque chose... Sans doute aussi un petit peu de jalousie mais je n'étais pas dupe, en dix ans, nous en avions vécu des choses... c'était d'ailleurs étrange qu'il soit célibataire depuis dix ans, soit le même nombre d'années que notre rupture et qu'à part quelques amourettes sans stabilité, je l'étais moi aussi... notre relation nous avait marqué et l'avait marqué visiblement plus que je ne l'aurais pensée.

Il me connait assez pour savoir que je refuse de voir de la pitié dans le regard de mon interlocuteur surtout quand cela me concerne. Pourtant je vois qu'il est empathique à mon sujet et ça m'agace même si je ne dis rien. Je suis amochée, je risque d'être abîmée à vie et sans doute ne retournerais-je plus en opération militaire, mais j'étais assez forte pour tenter l'impossible pour que ce risque devienne infime et qu'on me renvoie là bas le plus vite possible. J'y croyais.. Sans doute attendais-je un miracle de Noël.. moi qui ai une sainte horreur de ces fêtes païennes tout juste présentes pour le commerce.. J'étais bien contente de ne jamais être à New York au moment des fêtes, j'évitais ainsi toute cette effervescence. Ma jambe était vraiment pas belle à voir, pleine de cicatrices, j'étais loin d'être élue mannequin de l'année. Je doute que les hommes posent à nouveau leurs yeux sur moi sans y ressentir du dégoût.
Alors que je tape dans le mille pour le froid, je souris quand il parle de la patinoire. A l'époque, je n'étais pas du style à prendre de gros risques alors qu'aujourd'hui, je fonçais tête baissée dans la merde et les obus sans vraiment me soucier de ma vie. Je m'en étais pas trop mal sortie cette fois-ci d'ailleurs.. Tout ça pour sauver deux vies... J'avais réussi à les sauver, mais ma jambe avait été touchée.. Je ne regrettais pas mon geste pour autant. J'avais refusé pendant tout notre service de me rendre à la patinoire après la fermeture, mais Connor m'avait convaincu de m'y rendre et même si nous avions failli finir au poste de police pour non respect du mobilier urbain, j'avais passé une superbe soirée.. Qu'est ce qu'on rigolait ensemble lui et moi, c'était agréable de me remémorer ce genre de moment.

C'était le bon vieux temps tout ça. T'as pas oublié !

Je souris alors en soupirant. Je crois que je n'avais oublié aucun jour pendant notre relation. 4 ans, ce n'est pas rien quand même.. C'est souvent ces souvenirs qui m'ont aidé à tenir lors des missions en cas de coups durs. Je vois que Connor se souvenait également de certains moments de notre passé.. Est-ce que j'avais été dans ses pensées lorsque le moral était bas en Afrique? J'étais si naïve d'y songer.. je crois qu'après notre rupture plus que chaotique, il avait du tirer un trait sur nous deux et ne plus y penser. C'est ce que moi j'aurais fait sans doute.
Lorsqu'on vient à parler de l'émission et de Lean je l'écoute mais je ne peux cacher mon idée sur l'avocate. J'étouffe un rire quand il me dit qu'il a de sérieux doutes sur mon avis positif concernant sa future moitié.

Je ne peux pas la juger, je l'ai seulement vue au travers de la caméra. Haley l'a vue en vrai.. Donc je ne dirais rien même si te connaissant c'est pas ton genre. Je la vois bien meneuse de claques au lycée, ultra populaire, tout ce que toi tu détestais à l'époque je me trompe? Comme quoi on change hein.

Je le taquine, j'étais quand même contente s'il était heureux avec elle. Haley avait essayé de me convaincre qu'il ne m'avait jamais trompée... j'avais longtemps nié l'évidence et quand je m'étais rendue compte que j'avais eu tord de lui en vouloir que l'autre était la pire des trainées, il était trop tard pour revenir en arrière et tenter de le récupérer, cela restera sans doute le regret de ma vie.. mais j'aurais toujours ce doute à 10% et s'il l'avait vraiment fait?.. A la télévision, il passait pour le plus parfait des petits amis et pour avoir vécu quatre ans de ma vie à ses côtés, je pouvais le confirmer. Il était tout ce dont une fille pouvait rêver.... Lean avait de la chance de l'avoir, j'espérais qu'elle ne gâche pas tout comme je l'avais fait. La conversation se durcit lorsqu'il me parle de son Abuela. Je suis attristée par la nouvelle.

Oh non.. et là elle va bien? Je comprends que tu sois là à New York pour elle.. Je pense que si elle t'a inscrit à l'émission c'est pur ne pas que tu sois seul si jamais elle disparaît n'est-ce pas?

Son abuela était une femme charmante et avec beaucoup de sagesse. Je l'avais longtemps considérée comme ma propre grand-mère. Elle avait toujours de belles anecdotes à raconter de sa vie si palpitante et j'appréciais l'écouter.. Elle était aussi inscrite qu'une encyclopédie et c'était pas étonnant que son petit fils soit aussi érudit qu'elle au final.. les chiens ne font pas des chats non?
Je regarde Connor et ne peut détacher mes yeux des siens.

Tu as le temps de boire un café au bar du coin? Je ne voudrais pas que ça pose soucis à la production, mais là je vais pas tenir longtemps avec la béquille en équilibre.

Je souris, bizarrement j'espérais qu'il dise oui. Je sais que cela serait bref mais j'avais bien envie qu'il me raconte sa vie, ayant manqué dix ans de celle-ci.

Malgré les griefs que j'avais eus autrefois avec le médecin, c'est souvent son visage qui me revenait en tête lorsque je fermais les yeux après une longue journée en mission. Je ne peux pas dire que je ne lui en voulais pas mais les années ont atténué très certainement la haine que je ressentais pour lui. Le temps s'était arrangé pour que je ne pense qu'aux bons souvenirs et meilleurs moments passés ensemble. Je m'étais sans doute endurcie avec le temps, je n'étais plus la même, après tout, dix ans s'étaient écoulés depuis notre fameuse dispute qui s'était achevée par une rupture sans retour en arrière possible. Bien sûr mes amis proches de l'époque dont Haley était "team Connor" à prêcher pour sa paroisse mais cela m'était complètement égal, j'avais mes idées très arrêtées en ce temps là, et je ne croyais que ce que je voyais ou en l'occurence ce que j'entendais et ce qu'on me racontait.. La sale rumeur avait terni également mon image bien qu'à l'époque c'était le cadet de mes soucis. Je me voyais vieillir aux côtés de lui et avoir des enfants, moi qui était tout à fait contre le mariage et encore moins d'être maman, Connor avait su me faire changer d'avis, d'abord tout doucement puis tout d'un coup, comme si fonder une famille et porter son nom au lieu du mien était une évidence.. Hélas tout ce temps là était révolu. En entendant sa voix, ça me réchauffe le coeur, comme si revenir en arrière le temps d'un instant avait du bon pour une fois. Moi qui d'ordinaire m'encombre pas du passé, là pour le coup j'appréciais ce petit moment que m'offrait la vie et ce, sans arrière pensée évidemment. Il était clair que je n'allais pas jeter mon dévolu sur lui à la première occasion maintenant, mais le revoir me faisait du bien, peut être autant que cela me fait du mal. Après tout, il va se marier dans peu de temps.. alors que moi je suis blessée de guerre, avec une jambe en moins et la pitié des gens qui croisent mon chemin.. je ne suis plus dans le coup et je ne le serais probablement jamais.
Quand il me parle de son abuela, j'ai le coeur en morceaux. J'adorais sa grand-mère. Je la considérais comme telle également. Haley ne m'avait pas dit que abuela était à l'hôpital. Je comprenais mieux pourquoi son petit Cristobal était à New York et sans doute pour une durée inderterminée.

J'espère que ça va aller. La prochaine fois que je me rends à l'hôpital, je passerais lui dire bonjour. J'espère sincèrement que ça va aller. Je lui souhaite et surtout bon courage, car malgré tout ça doit pas être facile pour toi d'être ici à New York et pas en mission en Afrique, je ne peux que te comprendre hein..

Depuis notre rupture, sa grand-mère était restée en contact, avec des lettres. Elle avait abandonné l'idée de jouer les entremetteuses pour que nous nous remettons ensemble mais nous avions gardé le contact avec nos lettres envoyées, j'en recevais une chaque mois depuis dix ans maintenant. Mais depuis quelques temps elles se faisaient plus rares et depuis mon accident, je n'en avais plus reçues. Je comprenais donc la raison.. Je ne sais pas si Connor était au courant que son abuela m'écrivait toujours mais cela avait toujours été en tout bien tout honneur évidemment. Il était rare qu'elle me parle de son petit-fils, voire carrément jamais. Elle me parlait de ses folles aventures car Madame B avait toujours de terribles anecdotes à raconter. On pourrait faire une sitcom sur sa vie, tant elle avait des choses intéressantes, marrantes et parfois tristes à raconter. Je n'avais pas envie de rompre cette rencontre trop vite. J'avais envie de passer un petit moment avec le médecin. Je ne voulais cependant pas être filmée, pas dans cet état et carrément jamais. Je ne comprenais vraiment pas ces téléréalités... Je trouvais qu'elles faisaient pitié mais j'étais tout de même tolérante et si un médecin ou une avocate avaient participé à ce genre d'émission c'est qu'il restait sans doute un peu d'espoir.. Lean avait l'air d'avoir la tête sur les épaules et un cerveau c'était pas le cas de toutes les candidates, je pense qu'il avait bien choisi même si j'avais une petite pointe de jalousie.
Alors qu'avec joie, Connor accepte, nous nous dirigeons vers le café derrière nous. Marcher avec la béquille est un peu compliquée et je veux jouer les durs à cuire, mais c'est plus que compliqué.. heureusement sans parler Connor m'aide à m'installer. Ma jambe me fait terriblement souffrir mais je ne fais mine de rien, je ne veux pas que la discussion soit accès sur ce problème là. Après avoir commandé, Connor rompt ce silence en parlant. Je souris alors en l'écoutant, je jette également un oeil dehors par instinct comme si j'observais le moindre fait et geste des gens qui nous entouraient, juste au cas où. Ce qu'il venait de dire aurait très bien pu sortir de ma bouche.

J'ai l'impression qu'on a rompu hier et pourtant je vois bien qu'on est tout près mais si loin à la fois. Dix ans c'est pas rien.

Je ris alors que nos boissons arrivent. Je prends la tasse de café chaud dans les mains pour me réchauffer un peu. Et merde, il a été plus rapide, je dois parler de moi alors qu'il sait pertinemment que j'ai horreur de cela. néanmoins je lui réponds avec plaisir.

Et bien après mon diplôme comme prévu je me suis enrôlée dans l'armée, et je suis devenue médecin militaire. Je suis partie aux quatre coins du globe pour aider les soldats en opération extérieure. Cela n'a pas toujours été facile mais après dix ans, je ne regrette rien, je n'échangerais pas ma vie mais depuis que l'obus a éclaté ya quelques semaines quand j'étais en mission, je suis revenue ici. Et pour tout te dire ça me rend chèvre, je ne supporte pas la vie civile... les gens sont gnian gnian, superficielles et la saison de Noël ça va être piiiiiire.. enfin je suppose que tu comprends..

Je hausse les épaules en soupirant tout en apportant ma tasse à mes lèvres pour goûter le café. Comparé à ce que je buvais au front, ce café est délicieux, je ne ferais pas ma difficile, c'est clair.

Et vous Docteur Lewis, qu'est-ce qui s'est passé dans ta vie pour que tu te retrouves dans une téléréalité à chercher une future épouse?

Je plonge mon regard dans ses pupilles, prête à observer la moindre de ses mimiques. Trop habituée à l'analyser autrefois, je vois que cette habitude n'est pas partie en fumée.

La vie parfois nous éloigne de certaines personnes et à un moment donné, au détour d'une rue, d'une ville, on se retrouve. C'était le cas pour Connor et moi. Je n'aurais jamais pensé le revoir au détour d'une rue comme c'était le cas. Encore moins alors que mon ex petit ami était en train de choisir son costume pour son futur mariage. L'idée de le suivre tous les soirs dans la quotidienne de Love Is Blind était assez particulière mais je prenais plaisir à découvrir un Connor que je ne connaissais pas vraiment. Il était plutôt ouvert d'esprit et peu timide face caméra et c'était mignon à voir. Partager ce petit café anodin ensemble me faisait remonter un peu tout ce que je ressentais ou avait ressenti pour lui avant notre séparation. La jolie jeune femme qu'il allait épouser était à l'opposé du genre d'épouse que je voyais pour Connor. Elle était trop lumineuse, trop solaire, trop délurée pour un homme comme lui et pourtant de ce qu'on pouvait voir sur les écrans, il avait l'air sous son charme. Elle était magnifique et très distinguée, j'espérais sincèrement qu'il serait heureux car après tout il le mérite sincèrement. Avec le temps, j'ai appris à faire la part des choses et si j'avais réagi autrement peut être que nous serions encore ensemble qui sait. En tout cas j'étais heureuse de le savoir joyeux.


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Depuis quelques semaines, j'avais entamé une phase intensive de rééducation. Je voulais vraiment m'en sortir pour enfin pouvoir repartir au front. Les spécialistes essayaient tant bien que mal de me faire voir la vérité en face. Ils tentaient de me faire comprendre que mon rêve de retourner dans l'armée s'amenuisait au fil des jours. Je ne me remettais pas de la blessure aussi vite que je l'aurais voulu, et c'était loin d'aller mieux. Lorsque Connor m'avait demandé l'autre jour. ce que j'allais faire maintenant que j'étais à New York, je ne savais même pas. Ma vie se résumait à l'armée, revenir dans la vie civile était déjà un enfer quand c'était temporaire, alors si maintenant c'était définitif, il ne me restait plus qu'à me pendre. J'avais déjà songé à mettre fin à mes jours. Avec tous les antalgiques qui trainaient à la maison, j'avais une fois ou deux failli faire une intoxication médicamenteuse volontaire. Malgré tout, j'avais tenu le coup grâce à Lexy. On se connaissait depuis quelques semaines, mais pourtant il avait été d'un soutien sans faille. Lui aussi patient au centre de rééducation, on se soutenait pour avancer. On se confiait brièvement l'un à l'autre et ça faisait du bien d'être entendue.

Connor toujours dans un coin de ma tête m'avait envoyé un message hier soir. Je pensais ne jamais avoir de ses nouvelles face au silence qu'avait reçu mon sms envoyé fin décembre. Je lui avais alors proposé d'aller marcher à Central Park.. Que je finissais par connaître par coeur à force de marcher à longueur de journée pour tenter de ne plus avoir besoin d'aide mécanique. J'avais qu'une envie, brûler ma canne et enfin pouvoir marcher même en boitant mais seule..
Alors que nous nous étions pas eus au téléphone aujourd'hui pour confirmer ou non notre ballade, j'étais quand même allée à Central Park dans l'espoir que Connor soit là. IL savait l'endroit que je préférais dans Central Park. Le zoo de Central Park était mon péché mignon. C'était ici que j'aimais aller pour me ressourcer. Il n'était pas rare que je m'assois sur un banc à contempler les léopards ou les otaries. Checkant encore une fois au cas où, je flânais le long de l'allée. Aujourd'hui, il n'y avait pas grand monde, les enfants étaient à l'école, c'était donc plutôt agréable comme journée, bien que le froid était présent.

Proposer à son ex petit ami avec qui cela ne s'est vraiment pas bien terminé d'aller promener au parc en plein Manhattan, c'est sans doute pas une bonne idée. Je me dis pourtant que de l'eau a coulé sous les ponts depuis notre séparation. L'idée de le revoir me fait plaisir et peut être que cela me procure aussi du bien être à cause de la nostalgie que je peux trouver. Le revoir me rappelle plus les bons souvenirs que le sujet de notre discorde. D'ailleurs, je préfère ne pas y penser.
Je sais pertinemment qu'il est heureux en ménage avec son épouse, que tout va bien dans le meilleur des mondes et je lui souhaite vraiment de continuer à être heureux de la sorte. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'elle est trop parfaite pour ne pas cacher quelque chose de louche mais je laisse courir après tout, j'ai confiance en Connor et en son jugement. Il saura se faire son propre avis. Après tout, je ne la connais pas personnellement, lui si.
Je n'ai aucune arrière pensée lorsque la veille, j'ai décidé de proposer à Connor de me rejoindre au parc. J'avais juste envie d'un peu de compagnie et de le revoir également.. J'espère simplement que Lean ne se mettra pas en colère à l'idée qu'il viendra peut être me rejoindre pour marcher aujourd'hui.
Perdue dans mes pensées en observant les gens passer, je vois au loin une silhouette que je connais que trop bien. Un sourire franc se dessinant sur mon visage, je me lève tant bien que mal avec la canne et agite la main en guise de réponse. Très vite, il me retrouve là près de ce banc. Je suis contente qu'il ait remarqué que je n'ai finalement qu'une canne. Il a toujours été fin observateur, une qualité qui pourtant m'a souvent agacée par le passé.

Avoues tu es jaloux du style que ça me donne ! En plus violet hein ! Etonnant n'est-ce pas?

Il savait sans doute que j'adorais le violet iridescent. C'était donc sans aucune surprise que ma canne brillait au soleil. Je voulais grâce à cette couleur fétiche me donnait toutes les chances pour m'en sortir même si pour le moment mon but était hors d'atteinte. C'était un peu angoissant d'être ici, habillée en civil, regarder calmement les gens sans pour autant que je n'ai peur pour ma vie. Je n'avais pas cette crainte comme d'ordinaire de prendre une bombe ou marcher sur un obus..

A part ta tête de six pieds de longs, comment tu vas? C'est cool que tu aies pu te libérer, je n'y croyais plus.

Dis-je pour le taquiner.

Tu aurais pu piocher dans le maquillage de ta femme pour masquer tes cernes.

Je pince mes lèvres. Nous avions toujours l'habitude de nous charrier autrefois, l'habitude ne s'était pas perdue visiblement, je faisais cela tout naturellement. J'espérais cacher mon inquiétude avec mes taquineries. Je ne voulais pas qu'il sache que j'étais inquiète pour mon avenir.. que j'avais songé à mettre un terme à ma vie plusieurs fois.. je voulais qu'il ait une image de moi positive.

Allé, viens on va se balader un peu comme prévu.

Dis-je en cognant mon épaule contre son bras.

alors cette vie de couple marié? C'est comme tu en rêvais?

J'essaie de donner le change à mon ex petit ami.. Inutile d'être pessimiste et lui donner l'impression que rien ne va. Je n'ai pas envie qu'il me prenne en pitié ou bien qu'il soit rempli de compassion. Même si en façade, je souriais et faisais des blagues, à l'intérieur, j'étais une coquille vide. Je me sentais lasse, avec un élan Vital proche de zéro. Ma seule raison de vivre c'était mon métier, et cet obus m'avait enlevé la seule raison pour laquelle je me levais le matin.

Tibia ou autre.

Je lui fais un clin d'oeil en riant légèrement. Tout était si léger avec lui. J'oubliais l'espace d'un instant ma misérable vie. Je n'étais pas jalouse du bonheur qu'il vivait actuellement. Il le méritait. Il prenait soin des autres à longueur de temps en s'oubliant souvent, c'était donc tout naturel qu'il soit enfin heureux. Sa femme avait l'air d'être une femme gentille, avec de l'ambition et c'était tout ce que je lui souhaitais. Je ne le voyais pas avec une femme au foyer ou une femme qui dirait amen à tout. Connor a toujours aimé les femmes avec du caractère, son choix se portant sur Lean ne m'étonnait guère.
Je m'inquiète un peu quand je vois ses cernes. Il a tendance à être un parfait bourreau de travail, je ne voulais pas qu'il se crève à la tâche ou qu'il délaisse sa nouvelle vie de famille pour son travail.

Fais attention à te crever comme ça, quand tu rentres du boulot, tu dois être épuisé et c'est pas cool pour une vie privée ! Tu n'es plus tout seul maintenant, lève le pied hein.

Je souris avant de rajouter.

Plus facile à dire qu'à faire hum?

Nous étions quasiment identique.. Nous aimions notre travail plus que n'importe quoi d'autre.. Je sais que si je devais définitivement me reconvertir, je ne sais pas vraiment ce que je ferais dans le civil..

Et ta tronche de déterré traduit juste une fatigue professionnelle ou y'a autre chose qui vous tracasse Lewis?

Ce n'était clairement pas une curiosité mal placée. Nous nous connaissions par coeur même si l'eau avait coulé sous les ponts, je lui faisais confiance et j'espérais que ce soit assez réciproque pour qu'il désire se confier. Bien qu'il avait Haley pour tenir ce rôle. Parfois je me disais qu'on s'était quittés hier en mauvais terme alors que les années étaient passées et pourtant je n'avais pas l'impression qu'on soit devenus de parfaits inconnus comme quoi les choses évoluent parfois bizarrement comme c'est le cas pour notre relation actuelle. J'avais l'impression qu'il était heureux et que tout roulait dans leur couple et c'était tant mieux. Je souris lorsque je vois ses lèvres s'entrouvrir. j'aimais tellement à l'époque lorsque Connor souriait, il avait ce charme qui me faisait craquer à chaque fois.
Quand vient enfin le moment où je dois parler de moi, je me referme telle une coquille. Le médecin le sait, j'ai une sainte horreur de blaguer sur ma personne.

Tu connais déjà la réponse non? Je ne supporte pas cette vie là. Elle n'est clairement pas faite pour moi. J'ai besoin de plus que ça. Besoin d'aventure, d'adrénaline.. la vie civile est trop plan-plan et ennuyeuse pour moi. Je ne sais pas comment tu fais pour t'être rangé, de bosser à l'hôpital public.. et avoir une routine.. mais tant mieux hein si cela te convient mais moi? Je ne pourrais pas, c'est certain..

Je n'arrive pas à le regarder dans les yeux, j'avance tant bien que mal à ses côtés dans les allées du zoo de central Park. Je soupire sans me faire entendre mais je n'en pense pas moins.

Très souvent, il m'est arrivé de me dire qu'à l'époque j'aurais du réagir autrement. Que le bénéfice du doute aurait du être accordé au blondinet. Au lieu de cela, j'avais tout bonnement laissé mon impulsivité prendre le dessus et tout gâcher. Sans doute que je le regrette un peu à l'heure d'aujourd'hui mais je suis heureuse que le jeune docteur que voici avait trouvé sa moitié. J'étais plus jalouse de l'idée d'être heureux à deux que le fait que Lean soit sa femme.. Depuis Matt et Connor, je n'avais pas réussi à me poser avec un homme. Mon métier était tout ce qui comptait à mes yeux mais depuis que j'avais eu cet accident, j'avais du mal à gérer les choses et les émotions. Je me rendais compte que j'étais seule au monde ici, à New York. Mes hommes, mes patients, et l'adrénaline me manquaient terriblement.
Alors que je l'observe, je remarque qu'il est très asthénique. Sans mal, je devine que quelque chose le tracasse, lorsqu'il m'avoue que travailler dans l'hôpital où se trouve sa grand-mère n'est pas de tout repos. Il essaie de me mener en bateau et je hausse les épaules en le regardant.

Hum hum.

Dis-je en le regardant avec insistance. Comme il le savait, ma nature curieuse n'étant pas développée, je n'irais pas lui tirer les verres du nez pour savoir en profondeur ce qu'il ressent. Je pars du principe que Connor me le dirait s'il le souhaitait. Je suppose que Lean est dans le coup. Peut être que la vie de jeunes mariés est un peu compliqué d'autant plus quand ils ne se connaissent que depuis quelques semaines. Je me demandais encore comment avait-il pu aller à ce genre d'émission stupide pour rencontrer l'amour alors qu'il lui suffisait de claquer des doigts pour en avoir dix derrière, prêtes à être à la place de l'avocate.
Marcher avec lui me fait du bien au moral. Je n'attends pas forcément grand chose de cette promenade mais lorsqu'il finit son monologue je ressens un peu de remords de ne pas avoir trouvé ma moitié ou de ne pas avoir essayé de laisser entrer quelqu'un dans ma vie.. Je souris en l'écoutant.

Je crois que j'y ai jamais réfléchi à cette option là de ma vie. Avec le boulot risqué que je fais, les absences de la vie civile répétées, j'ai pas forcément envie de penser à fonder une famille mais je t'envierais presque tu sais !

Je lui fais un clin d'oeil tout en marchant.

Je pense que l'équilibre je le trouverais quand je repartirais en opération extérieure. En attendant je subis. Je ne me vois pas mariée ou attachée à quelqu'un. Je ne veux pas avoir à subir d'autres soucis. Je n'en ai pas les épaules.

Alors que nous continuons notre marche, je reconnais avoir un peu de fatigue avec ma patte folle. Pourtant, je n'en fais pas cas et je continue de marcher. La phrase que je sors de ma bouche n'est pas réfléchie.

Est-ce que tu crois qu'on aurait pu aller loin si on s'était pas séparés?

Je m'arrête quelques secondes de marcher pour lui faire face. Il est vrai que cette question a souvent traversé mon esprit.