Maria toqua à la porte de la chambre d'Emily uniquement par politesse, avant d'ouvrir celle-ci, lui demandant si elle voulait venir avec elle les autres filles pour déposer leur CV à travers les différents cabinets de la ville, pour le stage à venir. L'étudiante, debout sur son lit, était en train de décrocher sa décoration spéciale examen, arrachant les fiches de révisions qui recouvraient encore les murs autour de son lit. Quelle perte de temps. Réviser n'avait jamais été son fort, parce qu'elle se laissait vite dissiper par autre chose. Si Millie était capable d'enregistrer tout un tas d'informations, elle n'arrivait pourtant pas à se les approprier pour s'en servir sans vomir uniquement son cours. Ca lui permettait généralement d’espérer avoisiner les notes moyennes, mais rien de plus. Il n'y avait que les QCM qui lui permettait de grappiller quelques points supplémentaires, mais rien de transcendant non plus. Elle soupira : "Tu te complais à écouter tes propres conneries ou quoi? Si même mon propre père ne veut pas de moi, tu crois sérieusement que j'ai une chance ailleurs, avec mes résultats?"  Même si ses professeurs semblaient croire le contraire, son amie avait conscience qu'Emily faisait beaucoup d'efforts pour rattraper son retard et combler ses lacunes, en vain, alors elle ne se vexa pas, sachant pertinemment que les paroles agressives de celle-ci étaient uniquement l'expression de toute sa frustration. Maria s'excusa d'un air désolé, et se retira. A travers les murs fins, elle entendit le reste du groupe se réjouir qu'une place soit de ce fait toujours vacante auprès de papa Jones, et elle soupira encore une fois, tombant dans son lit sur ce matelas de fiches inutiles. Bien-sûr qu'elle n'était pas l'élève modèle, qu'à l'inverse de certains camarades elle n'avait pas fait une croix sur sa vie sociale ni nocturne. Em n'aimait pas seulement faire la fête, elle en avait besoin, pour ne pas péter un plomb et finir comme Chaz, cet étudiant névrosé qui passait sa vie a parler tout seul. Oui Emily n'était pas la plus attentive en cours, ni la plus studieuse en dehors de ceux-ci, mais elle avait le mérite de n'avoir jamais eu d'absences et d'essayer. Mais dans la vraie vie, essayer ne suffisait pas et seule la réussite permettait de s'illustrer. Mais essayer, encore et encore, finissait par la décourager. Elle n'y croyait tellement plus qu'elle n'avait proposé sa candidature nul-part. Mais comment encore y croire alors qu'elle s'était totalement plantée lors de son dernier exam, alors qu'elle s'était pourtant si bien préparée? Elle avait passé plusieurs nuits éveillée à travailler ses cours pour être prête, avec une concentration plus ou moins en dents de scie, certes, et le jour J, la fatigue accumulée était telle qu'en prenant un instant pour réfléchir à son sujet, elle s'était endormie sur ses feuilles vierges. Lorsqu'elle avait ouvert les yeux, elle était seule dans la salle, ou presque. Monsieur Johnson la fixait en ramassant sa copie, lui annonçant que le temps était écoulé. Pourquoi ne l'avait-il pas réveillé?! Selon elle : parce qu'il la détestait, parce qu'il détestait son père. Elle ne se priva pas pour lui poser la question d'un ton accusateur, mais son professeur déclara simplement d'un ton neutre qu'il n'était pas là pour ça qu'elle avait et aurait le même temps que le reste des étudiants. Il avait raison, elle le savait. Mais elle était aussi certaine qu'il aurait fait cet effort pour une autre personne. Réalisant que cette note allait mettre le coup fatal à sa moyenne, et trop fatiguée pour contenir ses émotions, elle senti les larmes lui monter aux yeux. Avant qu'il ne s'éloigne avec sa copie, elle la lui reprit des mains avec aplomb, surprenant au passage son prof, qui mit un instant à comprendre l'affront qu'elle était en train de lui faire. Et, tandis qu'elle le supplia de lui laisser du temps supplémentaire pour qu'elle essaie au moins de rendre quelque chose, il tendit la main pour qu'elle lui remette le papier dérobé. Elle insista, l'implorant à nouveau "Emily, la seule raison pour laquelle votre note n'est pas encore éliminatoire repose uniquement sur votre présence aujourd'hui. Faites vous ce service, rendez-moi votre copie avant que je ne change d'avis..." menaça-t-il, imperméable à ses yeux mouillés. Elle ouvrit la bouche pour plaider sa cause, mais comprit à son regard qu'un mot de plus, et il ne récupérait pas la preuve de sa présence à l'examen. Résignée, elle lui rendit le papier et quitta la salle rapidement, pour ne pas lui faire le plaisir de s’effondrer devant lui.

Même si elle avait pleuré au téléphone auprès de Sky pendant un long moment, même si elle avait répété environ mille fois que c'était catastrophique et que sa vie était fichue, Emily n'était pas du genre à se laisser abattre, elle était bien trop maline pour ça. Le système scolaire ne lui convenait pas, mais elle avait l'esprit suffisamment vif pour rebondir et trouver des solutions, bien que parfois tordues. En effet, lorsque son père évoqua par SMS les stages, prenant des nouvelles quant à ses candidatures, elle se refusa de lui avouer qu'elle n'avait pas la folie de croire qu'un cabinet d'avocat l'accepterait parce que c'était admettre qu'elle n'était pas une bonne élève, et elle ne voulait pas le décevoir. Elle ne faisait pas le poids face à l'élite de l'université. Il ne lui fallut vraiment pas très longtemps pour mettre au point un stratagème pour tenter de le faire plier. Son père n'avait pas été très enjoué à l'idée d'être son tuteur de stage lorsqu'elle avait abordé le sujet avec lui par le passé. Elle comprenait son point de vue, mais son égo, non. Son cœur non plus. Il n'y avait rien de personnel là-dedans pour lui, pourtant elle, elle le prenait extrêmement personnellement. Même si Ben était bien plus présent dans sa vie aujourd'hui qu'il ne l'avait été lorsqu'elle était enfant, elle avait toujours en elle ce sentiment d'abandon, ce besoin excessif d'attention, et le désir de passer davantage de temps avec lui, comme s'ils pouvaient rattraper le temps pourtant perdu depuis des années. Oui, Millie avait envie de ce stage avec lui et avec Lean, parce que c'était l'option de facilité, mais surtout, elle n'avait pas d'autre choix aujourd'hui. Puisqu'elle avait comprit qu'ils ne partageait malheureusement pas la même envie elle et lui, elle décida de lui faire croire qu'elle se débrouillait très bien sans son aide. Elle avait déjà supplié Monsieur Johnson, elle ne se rabaisserait pas à faire ça deux fois dans le même mois. Et il n'accepterait pas plus. Sa tête de mule, elle la tenait bien de quelqu'un, et ça n'était clairement pas de son insipide de mère. Qu'il y avait-il de pire pour Ben que d'avoir sa fille en stage? Que sa fille soit en stage chez l'avocat le plus abject de la ville. Très attentive à tout ce que son père pouvait dire, elle l'avait déjà entendu parlé de Warner, un avocat malsain qui avait clairement un problème avec les femmes et sa libido. Et, à vrai dire, ça n'était un secret pour aucune personne s’intéressant un tant soit peu au milieu. Jamais son père ne la laisserait entre les mains baladeuses et répugnantes de cet homme, pas vrai? Emily, faisant du Emily, ne se contenta pas de lui glisser cette information là. Elle broda tout autour pour attaquer Ben sur sa décision passée, choisissant bien ses mots pour l'accabler, et pour souligner le sentiment qu'elle avait par rapport à tout ça concernant le fait qu'elle se sentait comme un poids dans sa vie. Elle aimait son père, mais rentrait souvent dans le conflit avec lui, se montrant piquante, cinglante, voir parfois insolente. Probablement parce que c'était ancré en elle maintenant, ça faisait parti de son caractère, mais c'était avant tout sa façon d'attirer son attention depuis toujours. Comme escompté, son message provoqua une réaction de Ben. Elle fut un peu déçue toutefois qu'il ne soit pas plus anéanti par la nouvelle que ça. Elle avait espéré un message qui lui dirait : QUOI?! WARNER, HORS DE QUESTION, APPORTE MOI TES PAPIERS DE STAGE SUR LE CHAMP QUE JE LES SIGNE!! Elle gagnait souvent les batailles avec lui, mais celle-ci semblait plus compliquée que les autres. Bien qu'il l'invitait à passer d'autres entretiens et à ne pas signer précipitamment, il était trop distant à son gout. Elle décida d'enfoncer un peu plus le couteau dans le dos de son père tout en appliquant de la pommade, en lui faisant comprendre qu'elle avait conscience que ça n'était pas le meilleur pour elle, mais que le meilleur, lui, ne voulait pas d'elle. Cette fois-ci, les choses commencèrent à tourner en sa faveur, puisqu'il lui demanda explicitement d'oublier Warner, conscient des problèmes qu'elle pourrait rencontrer avec lui. Elle pouvait entendre son ton paternaliste à travers ses mots, lorsqu'il lui disait que gnagnagna, si il ne la prenait pas en stage c'était pour son bien, bla, bla, bla. Et, puisqu'il tentait la carte de la communication, lui disant qu'elle aurait pu en discuter avec lui lors de la croisière, Emily décida de jouer celle des sentiments. Son père honorait sa famille de sa présence plusieurs jours de suite, leur faisant le privilège de passer du temps avec eux, quel monstre aurait-elle été d'aborder ce sujet qui fâche et de saboter ces vacances en famille?! Après s'être fait passer pour la personne la plus bienveillante et altruiste du monde, et pointa du doigt à quel point il était abominable, puisqu'il ne croyait pas en elle, contrairement à Warner. Elle profita de sa tentative de culpabilisation pour lui rappeler qu'il pouvait toujours signer pour être son maitre de stage. Échec cuisant, puisqu'il ne ferait pas de traitement de faveur par rapport aux autres étudiants. Elle soupira. Ils venaient du même moule, son professeur et lui?! Incroyable qu'ils se détestent, ils étaient identiques. La suite de leurs échanges restèrent dans le même ton, sauf que l'ironie de Ben trahissait son agacement. Après un énième message d'attaque, Ben lui proposa un déjeuner le lendemain, pour discuter de tout ça. Victoire. Se souvenant à quel point il pouvait s'être plaint de Lean, et à quel point il avait regretté lorsqu'elle était partie, elle décida de prendre modèle sur elle, en acceptant ce repas, mais en appuyant le fait que sa décision était prise de toute façon, elle allait travailler avec Warner. Ainsi, lorsqu'elle accepterait dans sa grande bonté d'effectuer son stage auprès de lui puisqu'il semblait tant y tenir finalement, son père aurait l'impression d'avoir gagné la bataille alors qu'elle aurait gagné la guerre. Chacun aurait ce qu'il voulait voulait finalement : elle, un stage avec son père, lui, sa fille en sécurité. Win win. Qu'on ose lui dire qu'elle ne pourrait jamais gagner un procès, elle venait de remporter le sien.

Le lendemain, Emily comptait bien camper le rôle de la future stagiaire, furieuse après son père qui tentait de la voler à Warner. L'avis de Raven, son amie d'enfance, c'était que son père la voyait toujours comme sa petite fille, comme une enfant, et non comme une adulte responsable à qui confier des missions. Elle n'était vraiment pas la personne la plus responsable du monde, mais elle était adulte. Peut-être avait-elle raison? Pour le lui prouver, elle décida de s'offrir un tailleur qui lui donnerait très certainement un look plus mature. Toutefois, pour être crédible, elle n'opta pas pour une tenue noire, classique et ennuyante. Il fallait qu'il pense qu'elle avait vraiment choisi cette tenue. Elle trouva sur une boutique de la 5th un ensemble en tweed rose poudré parfait pour l’occasion. La veste s'arrêtait au dessus des hanches pour mettre en valeur les courbes que la jupe taille haute se chargeait de couvrir, le haut blanc en satin aux allures de crop top cassait le côté trop vieillissant d'un tailleur, elle n'avait que 21 ans après tout, et la jupe, quant à elle, était suffisamment courte pour faire pâlir son père à l'idée que Warner l'ait vu ainsi, mais suffisamment longue pour ne pas être vulgaire non plus. Initialement, Em avait prévu de porter des escarpins, mais la saison ne se prêtait pas à une tenue si découverte. Elle opta pour un second choix : de longues bottes en tissus fin pour la couvrir jusqu'au genoux. Le tout, dissimulé sous un manteau mi long. Elle avait l'air d'une adolescente déguisée en adulte, mais le taxi l'avait appelé Madame, c'était positif. Cette histoire montée de toute pièce, sa victoire que ne demandait qu'à être finaliser, et l'idée de déjeuner avec Ben l'enthousiasmait tellement qu'elle n'était absolument pas dans la dynamique de l'étudiante furieuse qu'elle devait jouer. Elle avait ce sourire en arrivant proche du resto à sushis qui risquait de la trahir. Elle devait être énervée, agacée, blasée, ennuyée. Et pour la mettre dans cet état, qui de mieux que sa mère? Elle lui passa un coup de téléphone avant d'arriver, et ce fut si efficace que l'étudiante lui raccrocha presque au nez en prétextant une urgence absurde avant d'entrer dans le restaurant. Sa mère avait anéanti tout sourire, ce fut avec un visage aux traits fermés qu'elle s'élança vers son père qui s'était poliment levé. Elle se laissa embarquer contre lui dans son accolade son protester, bien qu'elle ne la lui rendit pas, comme si elle était saoulée d'être là. Alors qu'elle avait accepté, rappelons le. Notons aussi que lorsque Emily voulait vraiment fuir une embrassade, comme lorsqu'elle devait saluer sa maman, elle n'hésitait pas... Son père se rassit tandis qu'elle retirait son manteau pour être plus à l'aise avant de s'installer, et celui-ci prit la parole dans la foulée.  Lorsqu'il mentionna le diner avec le doyen, l'étudiante marqua un court arrêt de surprise en posant son manteau sur le dossier de la chaine, tout en tentant de faire comme si cette information ne lui faisait ni chaud ni froid. Il avait quoi, avec qui?! Elle s'en voulu d'avoir raccroché au nez de Jude. Par pour le manque de respect, mais parce qu'elle aurait du écouter cette phrase qui commençait par "Hier soir on a..." , phrase qui faisait probablement écho aux paroles actuelles de son père. Ca lui aurait épargné l'effet de surprise et elle aurait pu prendre le temps d'élaborer sa contre attaque. Elle s'assit à son tour, tandis que son père poursuivit en parlant des confidences du doyen concernant le bannissement de Warner des stages universitaires. Oups. Elle se sentie soudainement en mauvaise posture, bien que l'expression de son visage n'avait pas changé, fixant Ben. Elle ne voulait pas lui laisser l'opportunité de voir qu'il venait de la déstabiliser, pour ne pas qu'il puisse en profiter. Parce que c'est ce qu'elle aurait fait, s'engouffrer dans la faille. Est-ce qu'il bluffait? Hier, il n'avait pas remit en doute sa parole un seul instant, pourquoi le ferait-il maintenant, subitement? Pour la tester? Ou savait-il la vérité? Ca ne pouvait être que vrai, il n'avait aucune raison d'inventer cette histoire avec le doyen, et puis surtout ce serait un coup de poker sacrément osé et chanceux, puisque le cabinet de Warner était effectivement inadmissible pour les stages, exactement comme il venait de le dire. Puisqu'elle n'admettrait certainement pas avoir inventé toute cette histoire, puisque toute cette mascarade devait peser en sa faveur pour faire flancher son père, et répondit alors, sans démordre de son mensonge, par tout un tas de questions visant à assommer l'avocat par son flux de paroles, tout en tentant de rectifier la situation afin de s'assurer de semer de doute dans son esprit : "Comment ça : plus admissible? Tu rigoles là j'espère? Pourquoi il m'aurait reçu s'il savait que je ne pouvais pas aller bas? Ça n'a pas de sens.... OOOOOH, ouais, d'accord, ça y est, j'ai capté, bien essayé Papa, dit-elle en levant les yeux d'un air exaspéré, comme si elle venait de le démasquer. T'es au courant que ça marche pas sur moi tes combines bidon? Je vois EXACTEMENT ce que tu essaies de faire. T'essaies de me faire croire qu'il m'a menti pour que je panique en pensant que je n'ai finalement pas de stage, pour créer une situation d'urgence afin que j'accepte plus facilement ta proposition?! Tu me prends VRAIMENT pour une idiote en faite." conclut-elle avec mécontentement, bien qu'elle était en réalité hyper contente de sa façon d'avoir rebondit sur tout ça. Elle se dédouanait de son propre mensonge en accusant Warner d'être à l'origine de ce possible quiproquo, avant de jeter la faute sur un soit disant plan diabolique de son père pour la manipuler afin qu'elle accepte quelque chose qu'elle ne voulait soit disant pas, tout en rappelant à quel point il la sous-estimait, encore une fois. Quoi qu'il en soit, dans un cas comme dans l'autre, elle se plaçait comme la victime d'un complot, qu'il vienne de Warner comme de Ben. Repensant au point de vue de Raven concernant le fait qu'il ne la voyait peut-être pas comme une adulte, lorsque la serveuse servit naturellement son père en premier afin qu'il goutte et détermine si le vin était correct ou non, Emily lui déroba son verre sous les doigts. "JE goutte." assura-t-elle avec une fureur dans le regard, pour se hisser sur un pied d'égalité avec lui. Pourquoi n'aurait-elle pas un avis plus avisé que lui? Mais elle n'était pas réellement furieuse pour ça. Le vin, ça n'était pas la vrai raison. Elle assimilait seulement maintenant ce que venait de lui dire son père concernant cette histoire avec le doyen, mesurant les différentes option de l'ampleur de ce diner. Option 1: il l'avait cru pour le stage et avait organisé ce diner dans un seul but : interférer avec ses décisions, la privant de son libre arbitre. Même si là, c'était probablement dans la démarche de protection qu'elle avait attendu lui. Mais, si elle avait vraiment obtenu un stage auprès d'avocats qu'il n'appréciaient pas, ou en concurrence directe avec lui, l'aurait-il saboté? Quand bien même serait-ce Warner, si c'était ce qu'elle voulait? Option 2 : ils n'avaient pas parler uniquement de son faux maitre de stage avec le doyen, mais d'elle. Non seulement Ben savait qu'elle lui avait menti sur ça, bien qu'elle essayait maintenant de sauver les meubles, mais sur tout le reste aussi. Putain mais pourquoi il avait diné avec?! Emily se posait milles questions à ce sujet, il avait totalement lâché une bombe, et elle ne pouvait même pas le questionner et ça la frustrait tellement de ne pas savoir. Si elle s'y intéressait de trop près, Ben comprendrait que quelque chose clochait. Ce n'était pas une information sur laquelle elle s'attarderait en temps normal.. Elle lui rendit son verre après sa fine gorgée. "Tu sais quoi? Fais-toi ton propre avis, puisque après tout, c'est toujours toi qui décide de toute façon." dit-elle d'un ton sec. Elle était incapable de pouvoir donner un vrai avis sur le vin. Tout le monde répondait qu'il était bon, en général, mais elle, non. Mais honnêtement, c'était surtout l'habitude de la confrontation avec lui qui lui donnait cette intonation, et pour les sous sous-entendus qu'elle pouvait laisser entendre.  

Est-ce que Millie avait menti à son père? Évidemment. Est-ce qu'elle en éprouvait le moindre remord? Évidemment que non. Même démasquée, elle était prête à nier en bloc. Admettre qu'elle était capable de lui mentir sans vergogne, c'était se tirer une balle dans le pied pour toutes les futures autres occasions. Savoir que son père avait diné avec le Doyen ébranlait quelque peu son mensonge tissé autour de Warner. Elle n'avait pas prévu qu'il soit au courant de tout ça, mais elle avait l'impression de pas trop mal s'en tirer quand même, en n'avouant rien. A son arrivée, son père semblait convaincu qu'elle avait menti, mais désormais il avait l'air de croire à cette histoire, Em quittant ainsi le banc des accusés. C'était Warner qui faisait un sale coup, pas elle, voyons. Ben gobait ses mots, en apparence, et l'invitait à ne pas se rendre seule pour signer ses papiers. Manquerait plus que ça, qu'il lui propose d'y aller avec elle. Ca, non, elle trouverait un subterfuge pour esquiver cette proposition, ça serait vraiment beaucoup trop gênant. Mais tant qu'ils n'y allaient pas ensemble, elle se fichait pas mal de salir encore plus la réputation de cet avocat. Ça n'était jamais que devant son père, et puis surtout, il ne méritait pas mieux ce gros dégueulasse! Elle l'écouta, faussement scandalisée de découvrir qu'il s'agissait peut-être effectivement d'une entourloupe de cet homme. Évidemment, son père étant son père, il ne put s'empêcher de lui faire remarquer qu'elle aurait dû vérifier son admissibilité, ce qui la fit très légèrement rouler les yeux sur le côté. Il avait raison, elle le savait, c'était bien pour ça que ça l'agaçait. Même dans son mensonge, elle n'y avait pas pensé. Elle avait sorti son nom en pensant que c'était le pire à entendre pour Ben, mais elle n'avait pas peaufiner son mensonge suffisamment pour en vérifier la crédibilité. Quelle erreur. Et puisqu'elle l'avait accusé d'essayer de la manipuler pour qu'elle accepte sa proposition, l'avocat lui fit remarquer qu'il n'était pas là pour ça. Les yeux de sa fille le scrutèrent alors, perplexes. Pourquoi lui avait-il demandé de diner avec elle alors? Dans son message la veille, elle avait cru comprendre qu'ils étaient là pour parler de ça. Ca lui flanqua un coup de stress lorsqu'elle réalisa qu'il l'avait invité tardivement, elle comprit ainsi qu'il lui avait très certainement écrit après son diner avec le Doyen. Et merde. Il devait y avoir autre chose. Mais quoi?! Qu'est-ce qu'ils s'étaient dis tous les deux? Et voilà qu'il parlait de Chaz maintenant. Non mais sérieusement? Chaz?! Son regard un peu hagard reprit en assurance, le plantant dans celui de son papa. Sérieusement, Chaz avait plus de chance qu'elle d'intégrer le cabinet? C'était vraiment du foutage de gueule. "Tu sais Papa, si j'fais des erreurs c'est PEUT-ETRE parce que je suis pas encore avocate, et devine quoi? J'suis encore moins ta secrétaire et j'ai pas un job aux services des renseignements non plus. T'as voulu perdre ton temps à recevoir des CV, alors débrouille toi à vérifier tes candidats toi-même. Il parait que pour un avocat, c'est la base." répéta-t-elle, en ponctua sa réplique d'un sourire piquant. Elle avait bien envie de le convaincre de l'engager ce Chaz, juste pour pouvoir lui rire au nez lorsqu'il effectuerait son premier jour. Ben allait balancer ce fou par dessus l'une des vitres de son bureau, jamais il n'aurait la patience, elle le connaissait suffisamment pour n'avoir aucun doute à ce sujet. Mais ce poste, elle en avait besoin. Alors, même pour faire chier son père, elle n'irait pas jusqu'à l'encourager de choisir cet autre candidat.

Si Emily se défendait de ce qu'elle considérait être des attaques de son père,  elle n'en n'était pas moins agacée. Entre le fait qu'elle ignorait de quoi ils avaient parlé hier soir, le Doyen et lui, et cette histoire de CV de Chaz... Il cherchait à l'emmerder, et ça marchait royalement. Ses ongles trahissaient son humeur au rythme de leurs tapotements sur la paroi de son verre de vin. Lorsque le serveur arriva, il lui fit payer sa remarque précédente concernant le fait que son opinion ne comptait pas, en choisissant le pire poisson possible pour des sushis. De l'anguille?! Non seulement il lui confirmait sans gêne à quel point elle avait raison lorsqu'elle l'accusait de ne pas considérer son opinion, mais il lui prouvait aussi à quel point il ne la connaissait pas. Elle détestait ça. L'anguille, et le fait qu'il la connaisse si peu.  "Ca, j'avais remarqué ouais..." marmonna-t-elle, mécontente. Voilà, elle en avait déjà marre de ce repas. Son père la faisait chier, sur une échelle de 1 à Jude il était plutôt bien positionné pour battre sa mère aujourd'hui, et les sushis allaient être infectes. Qu'est-ce qu'il pouvait arriver de pire? Un message de Crystal. L'ASMR contre le verre se stoppa tout net lorsqu'il prononça le prénom de sa petite sœur, mais surtout lorsqu'il sauta sur son téléphone pour lui répondre. Vite vite, faudrait surtout pas que la sainte Crystal Jones attende. Elle le fusilla du regard, contemplant à quel point il était ridicule. Combien de fois s'était-elle fait réprimandée parce qu'elle était sur son téléphone à table? Mais le grand Ben, en plus de tout décider, avait le droit de tout faire. Et après, c'était elle qui était vissée à son téléphone, hein? Avant que sa furieuse envie de lui balancer son verre à la figure ne se concrétise - parce que même si le côté dramaqueen lui donnait vraiment très envie de le faire, Em respectait beaucoup trop Ben pour se le permettre - elle vida le contenu de celui-ci, énervée. Il n'était même pas capable de lui accorder une heure de son temps complet sans se disperser, une heure! Comment avait-elle pu espérer qu'il lui fasse signer le stage? Ça représentait beaucoup trop d'heures consécutives pour lui, ça. Fâchée, la capricieuse de demoiselle reposa son verre vide sur la table, volontairement sans grande délicatesse. Même le bruit suite au choc du verre contre le mobilier ne lui fit pas lever les yeux de son écran. Elle hésita à lui envoyer un sms pour espérer attirer son attention quelques secondes de plus, mais décida de choisir l'option numéro deux avant de commettre un meurtre. Puisqu'il ne la voyait pas, puisqu'il ne l'avait même sans doute jamais vraiment vu, elle décida de partir. Ce repas ne servait à rien pour son avenir, à part à l'énerver minutes après minutes. Convaincu qu'il ne s’apercevrait de rien, elle attrapa son sac à main et son manteau dans un seul mouvement, et se leva de sa chaise pour mettre son plan a exécution non sans lui lancer un regard blasé. Paradoxalement, elle aurait adorée être encore sur place pour profiter de sa face lorsqu'il se rendrait compte qu'elle n'était plus là à la fin de son texto. Et puis, avouons le, au delà du fait qu'elle avait l'impression de ne rien pouvoir tirer de lui aujourd'hui, le laisser en plan comme ça, c'était tout de même l'ultime confrontation qu'elle pouvait lui faire. De toute façon, qu'il soit en face d'elle ou d'une chaise vide, qu'est-ce que ça changeait pour lui dans le fond? Ben pouvait bien essayer de jouer au gamin, il ne pourrait cependant jamais surpasser sa fille sur ce plan là.
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Son père l’agaçait. Comme bien souvent d'ailleurs, mais aujourd'hui tout particulièrement. Il lui foutait les nerfs en pelote, mais ça passerait. Ca passait toujours. Ben avait ce don pour allumer la mèche de la dynamite qu'était sa fille, et l'éteindre juste avant l'explosion. Sauf maintenant. Si Emily ne partait pas d'ici, elle allait exploser en plein milieu du restaurant, et le souffle de sa déflagration allait tout raser. L'étudiante réfléchissait bien moins lorsqu'il s'agissait de sa mère, sa patience se consumait bien plus vite. Sans doute parce qu'elle savait au fond d'elle que quoi qu'elle fasse, quoi qu'elle dise, Jude l'aimerait toujours. Elle avait supporté, enduré, pardonné tous ses commentaires désobligeants et attaques injustes. Emily était moins certaine que Ben en supporterait autant, et elle doutait un jour sur deux de son amour pour elle. Est-ce que sa faisait d'elle une fille horrible de penser ça? Non, juste une jeune fille qui avait peur de ne pas être à la hauteur. Avant d'atteindre peut-être le point de non retour, elle opta donc pour se casser d'ici, il n'avait qu'à se régaler tout seul avec ses (osties d') sushis à l'anguille. Quoi qu'il n'était pas seul finalement, il avait sa sœur avec qui discuter par SMS. Attrapant son sac et son manteau, elle se leva et se mit en marche vers la sortie bien décidée à le planter là comme un con, comme le con qu'il était avec elle. C'était tout de même à se demander qui prenait le plus l'autre pour un con. Elle, se remettre en question? Non non, certainement pas. Si elle pensait que ne remarquerait son absence que d'ici quelques minutes quand il aurait terminé de pianoter son texto avec la rapidité d'un boomer, elle fut assez surprise de n'avoir eu le temps de faire seulement quelques pas avant qu'il ne la rattrape. Lui prenant la main, il s'excusa. C'était marrant, c'était la première fois depuis qu'elle était arrivée qu'elle avait l'impression d'avoir le meilleur jeu en main, même si c'était lui qui avait toutes les cartes. Elle lui lança ce regard qui en général était destiné à sa mère, ce regard saoulé qui semblait dire que sa décision était prise, que c'était trop tard. Elle n'avait aucun intérêt à rester. Il ne voulait pas lui donner de stage, il préférait discuter par sms avec Crystal, il avait commandé des sushis immangeables et son entrevue avec le doyen avait ruiné tout son petit mensonge autour de Warner. La seule défense qu'il lui restait, c'était l'agressivité, et elle n'avait pas envie de se froisser avec son père. Elle répondit d'un seul geste, celui de se débarrasser de son contact d'un coup sec. Et puis, Ben la harponna à nouveau avec des mots cette fois-ci, en lui disant qu'il allait lui parler de ce qu'ils s'étaient dit avec le Doyen. Finalement, peut-être la connaissait-il mieux qu'elle ne le croyait. Parce qu'en soit, il aurait pu s'excuser et la supplier des heures, elle l'aurait laissé faire avant de lui sourire et de tourner les talons. Que là, avec ces quelques mots, elle avait cédé et s'était rassise sans même sans rendre compte. Parce que son père sous-entendait qu'il y avait plus que cette simple conversation autour de Warner en lui disant ça. Et ne pas savoir ce qu'ils s'étaient dit, c'était accepter d'avoir un coup de retard pour la suite. Et ça, pour une Jones, c'était impossible. Même si elle était davantage disposée à écouter, elle était toujours furieuse. Quelque chose en elle se senti rassuré lorsqu'il lui montra que ça n'était pas Crystal l'urgence, mais Lean. La carte Lean marchait toujours. Au delà du fait qu'elle l'aimait très fort, c'était aussi l'associée de son père et même dans sa plus grande immaturité, Em était capable de partager son temps avec le travail de Ben. Elle l'avait toujours fait. Pas forcément par choix, mais c'était ainsi. Mais ça l'énervait encore plus qu'il ait mentionné sa petite sœur pour l'emmerder de façon bien spécifique. Elle balaya rapidement des yeux son écran de téléphone, ne prenant même pas la peine de lire les SMS, se doutant bien qu'il ne devait pas y avoir grand chose d’intéressant dans leur conversation. Réparant comme il le pouvait ses derniers faux pas, son père fit signe au serveur de venir pour rectifier sa commande précédente. Sa fille pinça ses lèvres un instant pour dissimuler ce faible sourire qui naissait sur son visage, parce qu'elle était plutôt contente qu'il se souvienne de leur derniers sushis ensemble. Peut-être la connaissait-il mieux qu'elle ne le croyait, effectivement. Jusqu'au point d'utiliser son lien merdique avec sa sœur contre elle. Il prit une gorgée de vin, et Millie braqua son regard sur son propre verre vide, puis son père. Il allait bien la resservir quand même? C'était sa faute si elle avait vidé d'une traite son contenu. Elle soupira, devant définitivement toujours faire les choses elle-même. Elle attrapa la bouteille, et s'en servit un, à sa façon. Un fond de verre? Non, certainement pas. La meilleure façon pour ne jamais voir le verre à moitié vide, c'était de le remplir n'est-ce pas? 

Il revint alors sur son entrevue avec le Doyen, c'était clairement le moment parfait pour avoir un verre plein. Elle haussa les sourcils lorsqu'il avoua lui avoir demandé s'il avait le droit de la prendre en stage, étonnée que l'idée lui ai trotté finalement en tête, et surprise qu'il ait cru qu'il puisse y avoir un quelconque problème à ça. Effectivement, pour elle c'était une évidence, oui. Elle sourit lorsqu'il reprit son image de requins, la mettant en garde à propos du fait que tout était matière à se faire détester à la moindre ouverture possible. Croyait-il vraiment qu'elle avait besoin de semer des appâts à haine pour que les gens la déteste? Elle n'avait jamais eu peur de donner toutes les raisons du monde pour l'être, et ça n'était vraiment pas quelque chose qui l'effrayait. Ne jugeait-on pas un bon avocat à sa faible côte auprès de ses confrères? Ils pouvaient être les requins autant qu'ils le souhaitaient, elle serait le harpon. Le doyen avait assuré à Ben qu'il n'y avait pas de problèmes, et elle s'en allait le lui répéter encore une fois. Duh, il n'y avait vraiment que lui pour croire que tous les autres étudiants ne bénéficiaient pas du moindre piston. Mais il la stoppa avant qu'elle ne lui coupe la parole, et elle dû prendre une longue gorgée pour ne pas l'interrompre. Donner son avis sur tout, c'était plus fort qu'elle. Mais puisque Ben était dans une bonne lancée, empruntant un chemin positif pour elle, il était peut-être plus intelligent de ne pas insister et de le laisser accepter le stage dans la foulée. Elle se contenta donc de le regarder intensément, l'air de dire : tu veux parler? Vas-y parles je t'écoute. Lorsqu'il annonça que pour travailler avec lui, il avait besoin d'avoir une confiance aveugle en elle, elle fronça un peu les sourcils. Quoi, ce n'était pas déjà le cas? N'avait-il pas confiance en elle? Son regard se défroissa aussi vite lorsqu'il utilisa le terme stratagème, coupable de ça. D'accord, elle avait tendance à travestir la réalité pour que ça l'arrange, et à inventer tout et n'importe quoi lorsqu'elle avait besoin de quelques chose, mais elle n'avait pas été autodidacte sur ce coup là. Même s'il lui faisait comprendre par là qu'il avait très bien comprit son petit jeu la dernière fois, concernant les soit disant révisions entre copines, qui n'avaient pas terminée en petite soirée entre filles comme annoncé, elle ne pu s'empêcher d'en sourire un peu, amusée. Ils avaient tellement rient avec Sky par rapport au fait que son père était vraiment trop naïf de la croire, qu'elle était plutôt rassurée de savoir qu'il lui avait laissé la maison en toute connaissance de cause. Il n'était peut-être pas aussi dépassé par sa fille qu'elle l'aurait cru. L'avait-il comprit avant, ou après avoir retrouvé sa chemise prêtée au chanteur? Ben voulait qu'au travail, elle soit transparente avec lui. Une promesse qu'elle se sentait capable de tenir, capable d'être sérieuse, prenant peut-être la mauvaise décision en ne l'étant pas cette fois-ci: "Mais oui Papaaaaa...Promis, pas de soirée dans les locaux, croix de bois croix de fer, si je mens j'vais chez Warner" plaisanta-t-elle en échangeant le mot enfer par le nom de l'avocat.  Le serveur déposa les premiers plats, et elle échangea sa coupe de vin par un rouleau, croquant dedans, plutôt confiante sur la suite des événements. Il ajouta finalement qu'ils avaient parlé de ses résultats, et elle releva ses yeux sur son père, à deux doigt de la fausse route. Ca, c'était encore plus terrible comme nouvelle que d'avoir annoncer que Warner n'était pas admissible. Impossible que le Doyen ait parlé en bien de ses résultats. Avalant difficilement sa bouchée, son regard se mit alors à fuir celui de Ben, et elle tenta de faire passer le tout avec une gorgée de vin.  Pouvait-elle vraiment gagner du temps, maintenant? Elle croisa à nouveau le regard de l'avocat, et comprit que cette fois-ci, il avait terminé et qu'il attendait un échange par rapport à tout ça. Elle fut prise d'un rire aussi gêné que nerveux, reposant son verre. Glissant une mèche de cheveux derrière son oreille, elle avait soudainement l'air beaucoup moins sûre d'elle. Toutefois, Emily n'était pas du genre à s'avouer vaincue. D'un petit geste de la main, elle dit alors, tentant de transformer sa nervosité en un grand sourire "Roh, ça vaaaa tu sais très bien comment il est, tu le connais mieux que moi Papa. Je sais que vous êtes amis tous les deux, mais ce vieux grincheux a toujours quelque chose à redire. J'suis sure qu'il en a encore fait des tonnes, comme d'habitude. Même si j'étais première de ma promo, il trouverait encore quelque chose à critiquer. Un éternel insatisfait. Si tu veux mon avis, il ferait mieux de régler ses soucis avec sa femme au lieu de s'en prendre à toutes les autres." dit-elle en haussant les épaules comme si ça ne l'affectait pas plus que ça, tentant surtout de se défendre comme elle le pouvait. Elle se doutait pourtant que ça ne suffirait pas. Pourquoi essayait-elle de s'embourber la-dedans au lieu de lui dire clairement que oui, ses résultats étaient mauvais? Parce que Milllie était une personne fière, et qu'elle ne voulait pas admettre ça. Si même elle, elle perdait sa fierté, comme espérer avoir celle de son père? C'était sans doute trop audacieux, surtout après que Ben lui ait fait ce speech quant au faite d'être honnête, transparente. Ceci dit, il lui avait demandé de l’être dans le cadre de son stage, pas à partir de maintenant. Sa promesse n'était donc pas bafouée à peine acceptée. "Tu sais quoi? On à qu'à dire que j'invoque le 5e amendement." dit-elle dans un sourire, comme si elle était l'accusée au tribunal de son père. Non seulement ça lui prouvait qu'elle avait tout de même des connaissances de la constitution des États-Unis d'Amérique, et de 85% des répliques de séries se passant dans les tribunaux, mais ça lui donnait surtout la possibilité de ne pas avoir à témoigner contre elle-même. Et donc, de tenter de ne pas avoir à admettre qu'elle était totalement en échec scolaire. Parce que oui, elle l'était, et ça la faisait suffisamment chier comme ça. Ben ne comprendrait pas. Comme le reste du corps enseignant, il allait prendre le parti du manque de travail, ce qui n'était pas complètement faux, ni complètement vrai. Tout n'était pas noir ou blanc.
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Emily était vraiment dégoutée que le Doyen ait balancé à son père à propos de ses notes. Depuis toujours, elle s'était arrangée pour ne pas épiloguer sur le sujet - c'était d'ailleurs le seul sur lequel elle tergiversait autant - pour ne pas qu'il sache. Quand il lui demandait comment se passait la fac, les cours, les exam, elle répondait de façon évasive que tout allait bien et faisait diversion à base de : T'as vu ce que Trump a tweeté la semaine dernière?  T'as vu la robe que portait *insérer le nom d'une célébrité* au Met Gala? et toutes autres questions futiles pour changer le cours de la discussion. Elle adorerait être aussi studieuse et brillante que son père l'avait été dans ses souvenirs de la fac qu'il partageait parfois, mais elle en était incapable. Pourtant, la filière lui plaisait. Elle ne s'était pas lancée la dedans juste pour faire comme Lean ou lui. Alors, bien évidemment elle s'était laissée influencer. Non pas par eux, mais par la perception qu'elle avait d'eux. Mais elle aimait ce qu'elle faisait, elle aimait ce qu'elle pourrait devenir. Elle ne se sentait pas contrainte de faire ces études là tout particulièrement. Peut-être s'était-elle fermée à d'autres diplômes plus accessibles pour son niveau et qui lui auraient tout autant plût en se focalisant sur le droit, mais qu'importe. Emily avait conscience de ses lacunes et travaillait pour les surmonter. Même si ça lui prenait plus de temps que les autres, même si elle se laissait plus facilement distraire, elle essayait. Parfois au point de ne pas dormir de la nuit pour rattraper les heures durant lesquelles son esprit avait été ailleurs. Résultat : elle ratait quand même ses exam, ou s'endormait. Alors non, elle n'avait pas envie de parler de tout ça avec lui, lui qui n'avait pas eu autant de misère qu'elle à être un bon élève, lui qu'elle voulait rendre fier. Elle invoqua donc le 5e amendement, pour ne pas s'incriminer elle-même, laissant sous-entendre, avec détour, qu'elle avouait que ce qu'avait dit le doyen était donc vrai. Elle adressa un faible sourire reconnaissant à son père lorsqu'il commença sa phrase en clôturant ce sujet délicat. Il avait comprit son message et avait la délicatesse de ne pas insister plus. Ou peut-être pensait-il qu'elle allait encore s'enfuir s'il cherchait à creuser davantage. Il lui rappela qu'elle pouvait faire appel à lui si elle en ressentait le besoin, pour l'aider, pour l'accompagner dans ses révisions ou dans son travail. Tu parles. Si elle avait réussi à contenir cette remarque en elle, elle ne contrôla pourtant pas un léger roulement d'yeux à ces mots. C'était probablement injuste pour lui, puisqu'il avait répondu présent la dernière fois que l'occasion s'était présentée. Il avait fait un effort auprès d'elle en acceptant de ne pas évoquer ses notes, elle lui rendait la pareille en ne lui rappelant pas qu'elle avait du taper une crise pour qu'il daigne annuler son fichue repas avec Crystal pour l'aider. Certes, si elle n'avait pas attendu le dernier moment pour se mettre au travail, l'urgence n'aurait pas été là, mais Emily étant Emily... Au lieu de remettre en question sa façon de faire, c'était plus facile de camper sur sa position et de dire que si effectivement elle pouvait compter sur son père pour tout un tas de choses, dès que ça sortait de l'aspect financier, il n'y avait plus personne et elle était livrée à elle-même. Elle se sentie un peu plus normale lorsqu'il ajouta qu'il aurait sans doute profité un peu plus de sa vie étudiante s'il avait été dans sa situation, et que ses notes n'auraient peut-être pas été si bonnes en fin de compte. Toutefois, la petite blonde susceptible avait du mal à ne pas se sentir attaquer par les paroles de son père. Il avait l'air compréhensif, mais elle avait l'impression qu'il lui reprochait en même temps de trop profiter, mettant ça en corrélation avec les mauvaises notes que ça impliquait. Des mauvaises notes, comme les siennes. Son discours à propos de son grand-père renforça cette idée dans sa tête. Ben n'avait pas voulu décevoir son beau-père, parce qu'il lui offrait la chance de faire de grandes études. Lui rappelait-il par là qu'il payait ses études aussi, et qu'elle prenait effectivement le risque de le décevoir si elle continuait d'échouer, parce qu'elle n'excellait pas? Elle baissa le regard sur son rouleau à moitié mangé, écœurée. Si Ben avait pour elle les mêmes exigences qu'il avait pour lui, alors il était impossible à satisfaire et elle luttait depuis des années pour le rendre fier, en vain. Elle ébaucha un faible sourire en guise de réponse à ses gentils mots concernant le fait qu'il préférait rentrer auprès d'elle le soir plutôt que d'écumer les bars avec les autres étudiants. Sa moue fut plus triste qu'elle ne le voulait ceci dit. Elle regrettait de ne pas se souvenir de tous ces moments à chaque fois qu'il en parlait. Elle avait plutôt le vague souvenir de son père qui était toujours au travail, que celui de son père qui avait une vie de famille. En faite, Em' avait très peu de souvenirs de son enfance, comme si son cerveau avait voulu la protéger de l'absence récurrente de Ben aux choses importantes pour un enfant en les effaçant. Effaçant par la même occasion tous les efforts de Jude pour rendre ces situations moins pénibles pour une fillette.  Du coup, est ce que Ben avait réussi à être studieux aussi grâce à elle, ou avait-il raté sa jeunesse, à cause d'elle?

Plongeant sa cuillère dans la soupe pour remuer les ingrédients, elle leva les yeux sur lui lorsqu'il lui proposa de venir une journée ou une demie journée par semaine au cabinet pour se faire une première idée, même s'il avait conscience qu'elle avait déjà beaucoup à faire avec ses cours. Pourquoi se sentait-elle toujours attaquée? Pourquoi avait-elle l'impression qu'il ironisait alors que pas du tout? Le pire fut sans doute lorsqu'il lui parla de motivation. Pensait-il qu'elle ne l'était pas, et qu'elle avait besoin d'une charge de travail supplémentaire pour s'y mettre un peu ? Elle était convaincue que son père n'avait pas cette fourberie à l'attaquer ainsi, pourquoi l'aurait-il retenu sinon? Mais il lui avait prouvé tout à l'heure à quel point il pouvait être un connard donc bon. Il n'avait jamais été le père qui passait un savon à ses filles, et encore moins avec Emily. Même si Ben avait son autorité sur elle, elle avait tendance à se braquer très facilement et être particulièrement invivable quand on lui cassait les couilles. Elle avait toujours eu l'impression que le fait d'être obligé de l'aimer parce qu'ils étaient ses parents lui conférait un pouvoir tout particulier : celui de pouvoir faire ce qu'elle voulait sans craindre plus que de simples réprimandes et sanctions. Si lorsqu'elle était petite, Emily était assez docile, elle s'était transformée en une parfaite chieuse à l'adolescence. Ses parents la privait de sortie? Elle sortait quand même en douce. Il lui prenait son téléphone? Elle s'en foutait, elle avait son ordi pour communiquer avec ses amis. Il prenait son ordi? Elle avait sa tablette. Ils prenaient tous ses appareils? Pas grave, ces boomers n'avaient pas idées que sa montre était connectée. Les punitions n'avaient jamais eu de réels impacts sur elle. Une façon pour elle de défier l'autorité, et de leur faire passer le gout de la sermonner de façon si inefficaces. Mais bref, même si son père ne l'attaquait pas bien au contraire, elle le ressentait comme tel. Elle avait été trop agacée précédemment pour être raisonnable et prenait la mouche au quart de tour. Elle repoussa finalement sa soupe, elle avait bien trop une boule au ventre pour manger. Ça valait vraiment pas le coup d'avoir changer la commande dans le fond. D'un ton parfaitement ironique, elle répondit finalement :  Bah ouais bien-sur, on peut faire ça c'est vrai que je manque teeeeeellement de motivation. Ça me donnera moins de temps pour sortir dans les bars vu que je suis bonne qu'à ça apparemment, et tu payeras peut-être pas des études pour rien au moins. Sinon mieux encore ! Et je comprends même pas qu'un esprit aussi brillant que le tiens n'ait pas pensé à celle solution pourtant absolument fabuleuse. Roulement de tambour? Je ponds inconsciemment un gosse, comme vous, comme ça on sera tous bien certain qu'en dehors de la fac je n'irais nulle part ailleurs ! Mais une demie journée c'est bien, ça me donnera l'occasion de peut-être réussir à avoir une demie minute de ton temps pour m'aider si j'ai besoin de toi. Merci, t'es mon sauveur papa. dit-elle pleine de mauvaise volonté, en croisant les bras. Emily était définitivement trop impulsive, et ce ne fut qu'une fois la bouche fermée et serrée qu'elle prit conscience que ses mots étaient peut-être un peu durs. Mais quand elle se sentait attaquer, elle répliquait.  Il lui avait quand même sauvé les miches en l'acceptant en stage, et c'était un vrai plus pour elle de pouvoir être au cabinet, de voir des dossiers concrets et non théorique. Parce que c'était la partie théorique qui la perdait, trop ennuyeuse pour elle. Avant de laisser à Ben l'occasion de l'engueuler peut-être, ou de revenir sur sa décision, elle revint sur ses paroles, sans s'excuser pour autant puisque c'était ce qu'elle pensait dans le fond. "Ok, j'aurais peut-être pas du dire les choses comme ça... Mettant de côté son agacement et sa mine boudeuse, elle joua la carte de la douce Millie, enthousiasmée par tout ça : "Tu sais quoi ? C'est vrai que c'est une vraie bonne idée, cette demie journée et ça me plairait vraiment de pouvoir l'effectuer une fois par semaine, merci. Il faudra que je regardes la compatibilité avec mon emploi du temps.. Même si ce sont les tâches pas très intéressantes, ça le sera toujours plus que les cours du tyrannique Johnson." dit-elle moins piquante, plus hésitante, craignant qu'il revienne sur cette décision et l'autre aussi, en le brossant un peu dans le sens du poils. Il allait vraiment finir par l'envoyer consulter un spécialiste de la bipolarité.